On entend bien des choses concernant la license globale depuis qu’à la veille de Noël elle a reçu un considérable éclairage médiatique lorsque les députés ont voté son inclusion dans la loi DADVSI.
Les journalistes se sont emparés de cette affaire qui a tout pour attirer leur attention :
- un ministre bien ennuyé
- des députés frondeurs
- l’industrie du disque furieuse
- des artistes pas forcément mécontents
- des associations de consommateurs réjouies
Avec ça, on se demande encore ce qui a bien pu se passer et comment on en est arrivé là.
A mon avis, les sources de tous ces dérangements sont multiples et méritent d’être commentés un peu plus avant.
A l’évidence, Le Ministre de la Culture s’est précipité, a oublié de s’assurer du soutien de ses propres collègues, a recherché une solution rapide (mais simpliste), n’a écouté qu’un son de cloche.
Des députés (pas tous, il est vrai ; loin de là) ont profité de la situation pour faire un gros coup de pub à la licence globale (qui a été parfois curieusement rebaptisée license légale). Ils sont en effet plusieurs à défendre l’idée que le téléchargement de musique pourrait être légalisé moyennant le paiement d’une taxe forfaitaire.
Comment faire ?
Cette licence n’est pas forcément aussi insensée qu’il n’y parait au premier abord ou que certains voudraient nous le faire croire. En effet, il y a bien des situations où une taxe perçue ainsi de manière forfaitaire est redistribuée à la communauté des auteurs. En France-même, c’est le cas des redevances lors de beaucoup de spectacles musicaux comme des bals populaires (on ne compte pas sur une déclaration exacte des diffusions, mais sur un contrôle statistique), lors des diffusions en radio (là, une déclaration détaillée permet d’assurer une redistribution exacte), lors des achats de supports informatiques (les cassettes audio avaient montré le chemin, les CD-R, les DVD-R, sans doute bientôt la plupart des médias mémoire et les enregistreurs de MP3, de DVD, etc. sont taxés au profit des artistes à raison du droit à la copie privée).
Il est donc possible de payer régulièrement pour avoir le droit de télécharger sans léser les artistes. La loi le prévoit déjà.
Les opposants et les partisans
Une caractéristique très particulière de ce débat (en France au moins) est que de grands artistes se sont présentés comme farouchement opposés à la licence globale. Certains en ont conclu que les auteurs et les artistes étaient dans l’ensemble farouchement contre elle.
Je propose une autre interprétation plus simple. En effet, il faut remarquer que de très nombreux artistes (plus de 14.000) ont signé une pétition en faveur de la licence globale. Selon moi, cela tient au fait que ce sont les producteurs et les distributeurs qui ont le plus à perdre dans cette affaire. Les artistes ne voient pas d’inconvénient à percevoir plus directement les revenus (parfois faibles) qu’ils peuvent en retirer.
Les maisons de disques et les producteurs sont essentiellement payés à presser des disques, imprimer des pochettes, les mettre dans les rayons des magasins, assurer la promotion des produits physiques ainsi créés. Si on télécharge la musique (plutôt que de l’acheter sur un morceau de plastique et dans une boite), le producteur sera progressivement repoussé à la marge. Les petits artistes peuvent assurer eux-mêmes leur promotion et n’ont plus besoin de payer 1000 exemplaires d’un CD pour commencer à être diffusés. Cela peut se faire à l’unité (il n’y a pas de stock à constituer pour distribuer des fichiers informatiques).
Mais alors, pourquoi Johnny Haliday est-il contre la licence globale ? C’est tout simplement qu’il n’est pas seulement un artiste. D’un côté, il touche des droits d’auteur (bien plus confortables, en pourcentage, que l’immense majorité des autres artistes). De l’autre, il est producteur et distributeur (il n’y a qu’à voir la bataille juridique qu’il a menée en 2005 pour tenter de s’accaparer les droits sur ses enregistrements passés). Ainsi, là où l’artiste Johnny pourrait être insensible à la fausse différence apportée par la licence globale, le producteur Johnny risque sa maison de production elle-même s’il n’est plus qu’un simple artiste.
Tout cela dessine alors une image très différente des réactions observées. Les producteurs sont contre la licence globale (ou plutôt contre le téléchargement s’il est à un prix raisonnable) puisque cela représente un risque direct et majeur pour leur modèle économique. Au lieu de chercher à le faire évoluer (il est vrai, avec le potentiel de perdre la course), il vaut mieux s’opposer à ce qui le bouscule.
A l’opposé, les artistes petits ou moyens se voient libérés de nombreuses contraintes par l’apparition d’un téléchargement légal. La licence globale est alors un moyen simple (l’idée du forfait plait tellement aux consommateurs qu’elle est devenue la norme en téléphonie mobile) d’être rémunéré.
La suite
Il est loin d’être évident que la licence globale restera dans la Loi. Le Ministre est contre. Néanmoins, le débat est ouvert et le public a pris conscience que tout n’est pas aussi simple que ce que l’on a voulu faire croire. Les internautes ne sont pas des pirates sans conscience, mais plus simplement des consommateurs dont les pratiques ont évolué. Payer n’est pas impossible.
Par contre, il faut que le service soit là. On dit souvent que l’offre légale de téléchargement musical ne peut pas se défendre face à la concurrence d’un piratage entièrement gratuit. Je m’oppose en faux : depuis quand la disponibilité de l’eau du robinet (essentiellement gratuite) a-t-elle condamné les eaux minérales, les eaux de source, les eaux gazeuses ? Il faudrait prévenir Perrier, Badoit et Vittel que leur produit est condamné à cause de l’eau du robinet. Le service rendu ou le service perçu compte largement autant que le différentiel de prix. Nous reviendrons là-dessus.
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