Pantanal et Amazonie – avis du voyageur

Je suis allé passer 15 jours au Brésil en octobre 2007 avec Objectif Nature, une agence spécialisée dans le voyage photographique et naturaliste. Je me propose de vous faire part aussi bien de mon expérience avec les lieux qu’avec l’agence.

A la base je suis un photographe plus attiré par les mammifères d’Afrique mais j’étais prêt à faire une exception pour rencontrer les oiseaux et l’extrême diversité biologique au Brésil. Je m’imaginais que l’Amazonie aurait la population animale la plus dense et la plus difficile à photographier ; j’avais à la fois tort et raison.

Le séjour proposé par Objectif Nature commence par deux journées à Foz do Iguazu pour voir les chutes d’eau de réputation internationale, puis continue avec la plaine innondable du Pantanal à l’Ouest du Brésil et finit par trois jours en Amazonie dans la réserve de Mamiraúa. On peut choisir de le faire soit en octobre comme moi (la fin de la saison sèche garantit un niveau fluvial relativement bas) ou en avril (le Pantanal innondé et les fleues amazoniens 5 à 15 mètres plus haut que six mois auparavant). On peut aisément prévoir que les conditions en sont totalement transformées et cela pourrait justifier deux voyages séparés sans risque de redondance.

En tout cas, n’en doutez pas : le trait commun est l’humidité ! J’ai passablement sous-estimé ce point et cela aurait pu être ennuyeux. Quand un accompagnateur suggère poliment un vêtement de pluie, comprenez : « il va certainement pleuvoir » (en Amazonie, c’est tous les jours) et n’oubliez pas que 3 fois sur 4 la pluie sera proprement torrentielle (si vous êtes en déplacement en bateau il est impossible de garder les yeux ouvert et j’ai eu l’impression de boire la pluie plus que de la respirer). Poncho obligatoire, de préférence double, sac poubelle pour le sac à dos (ou sac étanche ou sac Lowepro en version AW) parce que l’électronique photo n’aime pas l’eau. Mais quels que soient vos efforts, vous serez mouillé et vous pouvez prévoir des vêtements de rechange – saisissez toute occasion de laver et sécher votre linge – et des sachets de gel dessicant pour protéger des infiltrations inévitables. J’en ai utilisé une dizaine de format cinq centimètres dont plusieurs ont absorbé tellement d’eau que les granulés étaient revenus à l’état d’une pâte molle. C’est pas lourd, c’est pas cher et ça protège du plus gros quand le sac trempe une heure au fond d’un bateau. Néanmoins, votre appareil sera souvent éclaboussé…

Une fois oublié l’obstacle liquide vous pourrez vous intéresser aux sujets. La proposition d’Objectif Nature est très complète – sans doute trop – avec trois grands sites.

Foz do Iguazu (les chutes d’Iguazu pour les français) est un lieu proprement époustouflant. Je me suis surpris plusieurs fois à rester ébahi, la bouche ouverte, devant le spectacle. Le parcours proposé commence par le côté brésilien pour ensuite voir les chutes argentines, puis finir par une visite en bateau au pied des cataractes. Je recommande cet ordre où tout va crescendo. C’est vraiment d’une beauté et d’un gigantisme innimaginable (même après avoir vu le film « Mission » de Roland Joffé).

Pour le photographe, les opportunités de photo sont partout dans le paysage et ses détails. Comme toujours dans ce domaine, il est souhaitable de disposer d’un objectif grand angle et d’un trépied. Je n’avais ni l’un ni l’autre et je le regrette. Il faudra revenir…

La guide locale recrutée par Objectif Nature parlait français, connaissait très bien les lieux et s’est révélée une source de conseils inestimables comme :

  • il vaut mieux arriver très tôt au train argentin pour être avant les touristes
  • pour la promenade en bateau, l’imperméable est inutile : laisser ce qui est fragile au bus ou au guide et s’habiller avec un maillot de bain. Il suffira de mettre ses vêtements secs et son appareil photo dans le sac étanche prévu à cet effet. J’ai déjà parlé d’humidité, non ?

Caracara huppéLe Pantanal est un lieu tout à fait différent où les touristes se font rares : sur la piste de 150km qui traverse cette région, la Transpantaneira, on croise des véhicules mais le trafic est rare sur les 122 ponts de bois.

La première chose que j’ai remarquée est que la faune est d’une incroyable densité : il y a des oiseaux partout et relativement peu farouches (la chasse est interdite au Brésil pour l’essentiel).

Objectif Nature nous a emmené dans la fazenda Pousso Alegre où les animaux viennent jusque dans l’enceinte : renard crabier, aras hyacinthe, caïnans, etc. Le lieu est formidable et l’accueil très agrable. Chaudement recommandé.

Puis nous nous sommes rendus sur la rivière Cuiaba, dans le Jaguar Research Center. Nous n’avons maleureusement vu aucun de ces félins rares, mais c’est la règle de la nature : c’est elle qui commande.

Le lieu mérite néanmoins plusieurs commentaires :

  • si vous connaissez l’Afrique vous pourrez être déçu par la faible expérience des équipes locales du Jaguar Research Center par rapport aux guides africains qui suivent les animaux à la trace, les connaissent jusqu’à leur donner des noms, etc.
  • la densité des félins américains reste très faible
  • pour ces raisons, il aurait sans doute mieux valu rester trois ou quatre jours au lieu des deux jours prévus
  • l’accueil était très agréable, la nourriture généreuse mais le camp de tentes à côté du bateau était tout simplement superbe.

La deuxième partie du voyage a été entamée par un long trajet en avion qui nous a amené à traverser tout le Brésil par les aéroports. Il était plaisant de s’arrêter quelques heures à Brasilia pour visiter les lieux les plus marquants de cette ville hors du commun. Mais admettons que même si j’apprécie son architecture, il est risqué de demander à des photographes animaliers d’apprécier la visite des longues places étonnées, des immeubles d’acier dressés vers le ciel, etc.

Le plus gros problème reste que le Brésil est un pays proprement gigantesque. L’échelle est continentale, les trajets en avion s’en ressentent et la patience est de rigueur. Mais elle a été mise à rude épreuve quand -à Manaus- une guide locale a mal interprétée les consignes et nous a permis de râter un avion nous faisant prendre un retard d’une journée presqu’entière… Et là, les nombreux intermédiaires (Objectif Nature en France, un correspondant francophone au Brésil, un correspondant local pour les transports) ont failli provoquer un énervement certain quand il fallait trouver une solution au moins pour reprendre le cours du voyage interrompu. Regrettable…

De plus, le passage entre Manaus et Téfé s’est réalisé dans un avion qui ne méritait pas tout à fait son nom (Rico Airlines, pour ceux qui voudraient l’éviter) , un Boeing 737 ancien, dont les équipements de cabine (sièges, éclairages) étaient partiellement défaillants et dont l’entretien mécanique laissait apparaître des « rivets pop » qui ne semblaient absolument pas correspondre aux exigences habituelles de réparation des ailes. J’ai beaucoup voyagé en avion ces 20 dernières années, mais j’étais vraiment content d’arriver…

Téfé s’est révélé une exotique petite ville (de quelques dizaines de milliers d’habitants) au coeur de l’Amazonie, à 663 km d’avion de Manaus. Nous y sommes passés rapidement pour embarquer à l’arrivée d’un de ces orages signalés plus haut. Certains passagers de nos barques sont arrivés rempés comme des soupes après l’heure de trajet en partie sous les étoiles. Je retiendrais une impression étonnante de cette course d’abord sous les trombes, puis entre les murs noirs de la forêt qui descend jusqu’au fleuve. Je ne doute plus comment on peut adopter une religion animiste : le monde végétal qui nous entourait à ce moment-là exprime un message de puissance qui remet l’homme à sa place de locataire de notre planète. Ebouriffant.

Mamirauá
Mamirauá

Le séjour suivant s’est déroulé en plein coeur de cette nature dans une réserve naturelle consacrée au développement durable : Mamirauá. Les lieux sont assez superbes, la nature est omniprésente. Le logement est assuré dasn des cabines flottantes (le niveau du fleuve peut varier de 6m d’une saison sur l’autre et les habitats fixes sont rares).

Nous avons eu l’occasion de profiter de superbes lumières au lever ou au coucher du soleil. Mais le photographe doit craindre (dans cet environnement) des obstacles tout à fait naturels :

  • La vie animale et végétale est très discrète au niveau du sol d’une forêt qui obture l’éclairage solaire.
  • La cime des arbres (et les oiseaux et singes associés) se situe à des hauteurs vertigineuses : pas facile de photographier un ara ou un singe accroché à une branche à 10 ou 12m de haut.
  • Depuis le fleuve, l’approche des rives reste possible, mais aborder n’est pas possible partout. Loin de là.

Mais il faut aussi y ajouter que les guides (comme le reste du personnel des installations « touristiques » de la réserve) sont peu habitués aux demandes particulières du photographe le plus vif. Ce n’est pas tant que la chose soit impossible, mais ils n’ont guère l’habitude de touristes qui tiennent vraiment à s’écarter vers la gauche, à tourner vers la droite ou à s’arrêter longuement pour une phoot. La pirogue est maniable, mais un anglais vraiment rustique ne permet pas toute la finesse souhaitée. Prenez des cours de portugais…

Un mot également de notre accompagnateur : Patrick Fagot. Il a été parfaitement agréable de voyager avec lui. C’est un photographe d’un abord très simple qui reste un ami et son expérience variée était plaisante. Mieux, il a consacré un temps non négligeable à expliquer ses techniques, sa manière.

Je lui dois, en particulier, les grands progrés de ma compréhension de Photoshop. Puis, la simple observation de son travail de tri et de pré-traitement de ses images m’appris bien des choses que j’applique aujourd’hui avec bonheur.

La densité de la population animale en Amazonie est clairement inhabituelle, mais les difficultés techniques se sont révélées un peu fortes pour mon propre niveau de photographe. Le Pantanal restera un souvenir photographique plus sympathique : des animaux partout (j’ai manqué marcher sur un caiman), et bien peu farouches. La fazenda Santa Teresa accueille même dans ses murs des animaux qui m’ont laissé presque sans voix et l’appareil photo cliquetant.

L’absence de jaguar lors de nos recherches ne présente que l’obligation (!) de revenir plus tard en une autre occasion. La nature ne se laisse pas commander même si le Jaguar Research Center est l’endroit où cet animal discret reste le plus facile à voir.

Le seul point vraiment négatif sera plutôt celui des transports. Un voyage avec moins de transports (et moins de choses à voir) serait sans doute plus plaisant. La compagnie nationale, TAM, présente un niveau de qualité moyen qui devient horripilant lors du 12e vol avec elle. Mais Rico Airlines est une expérience que je ne peux pas conseiller. Le point qu’il faut retenir est que, en comparaison avec l’Afrique, le Brésil ne sait pas encore comment accueillir une population touristique importante. J’ai eu l’occasion de circuler ces deux dernières années un peu partout dans ce grand pays ; le tourisme y est peu développé. Est-ce un bien ou un mal ? Le Pantanal et l’Amazonie, comme des lieux plus discrets comme Tavarés et Mostardes dans le Rio Grande do Sul, imposent des critères de jugement différents. Le photographe qui fait partie de ces touristes les plus exigeants sur certains points (et dont on espère qu’il sait se libérer d’autres contraintes) doit faire preuve de patience et je lui recommanderais bien de prendre son temps pour multiplier les opportunités de faire de belles images. Tout s’y prête mais, comme toujours en matière de photo, il vaut mieux éviter de prendre un abonnement aux transports aériens : rester devant son sujet est le plus sûr moyen d’en tirer quelques bonnes photos et peut-être une excellente.


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