Burj Khalifa, Dubai

Florilège de l’histoire de l’architecture contemporaine mondiale de 1850 à 2010

Cet article fait partie d’une série d’études non-universitaires (provenant d’amateurs éclairés) sur Roumazeilles.net. Nous accueillons ainsi parfois quelques auteurs dont les travaux peuvent présenter un intérêt (ici historique) inhabituel ou simplement original.

Les notes ci-dessous ont été rédigées par Pierre Jonchères, en septembre 2010 pour exposé à CASA Notre Dame, Paris.

Yves Roumazeilles

L’histoire de l’architecture mondiale depuis 1850 a été marquée et continue de l’être par des changements profonds d’ordre technique et scientifique tenant surtout à une double révolution, celle des matériaux de structure d’abord, celle de l’informatique ensuite (première partie de l’exposé).

Ces changements ont rendu indispensable l’intervention active des ingénieurs dans tout ouvrage à structure complexe (ponts, tours, barrages, aéroports, stades, off-shore profond,…), les conduisant à prendre souvent l’ascendant sur les architectes (deuxième partie).

Réagissant à cette situation, surtout depuis les années 1970, certains architectes ont privilégié pour leur construction, parfois à l’excès, la forme sur la structure (troisième partie).

L’idée générale de l’exposé sera la même que celle de celui de mai 2008 sur l’histoire de l’architecture jusqu’à 1850, à savoir la recherche de la créativité en architecture.

1ère Partie : les éléments constructifs nouveaux

1. L’ingénierie des matériaux

Les métaux

Jusqu’en 1850, les métaux issus du minerai de fer, utilisés comme éléments de structure d’une construction, existent : ce sont, allant du moins opérationnel au plus opérationnel, en fonction de leur teneur en carbone, la fonte, le fer forgé, le fer puddlé. Leur coût est cependant encore élevé.

– 1779 : Pont en arc, en fonte, à Coalbrookdale/RU, de Pritchard, ingénieur,

– 1825-40 : Passages couverts parisiens, en fonte également.

A partir de 1850, le développement de la production industrielle entraîne la généralisation de l’emploi de ces métaux nouveaux, porteurs d’un atout considérable également nouveau : ce n’est plus la construction qui s’adapte aux matériaux, mais le matériau qui s’adapte à la construction. 

– 1851 : Crystal Palace, fonte, fer forgé, verre, de Paxton, jardin., Expo Londres,

– 1868 : Bibliothèque Nationale, fonte, fer forgé, de Labrouste, arch.,

– 1884 : Viaduc en arc de Garabit, fer forgé seul, de G. Eiffel (1832-1923), ing.,

– 1889 : Galerie des Machines, fer puddlé seul, de V. Condamin, ing., Expo Paris,

– 1889 : Tour Eiffel, fer puddlé, de Koechlin, Nouguier, Eiffel, ing.

Dans les deux dernières décennies du 19ème siècle, l’acier, possédant des caractéristiques mécaniques élevées, complète et remplace largement ces métaux, aux États-unis d’abord, très vite ensuite dans les pays avancés :

– 1891 : Manhattan Bg, 1er immeuble en acier seul (16 étages),

de William Le Baron Jenney, ing. et arch., Chicago,

– 1890 : pont du Firth of Forth, pont en poutres « cantilever » (porte-à-faux),

acier, Écosse, œuvre collective d’ing. dont B. Baker.

– 1900 : pont en arc Alexandre-III, acier, œuvre collective d’arch. & d’ing., Paris,

– 1900 : Le Grand Palais, acier et verre, œuvre collective d’arch., Paris.

L’acier est aujourd’hui un métal polyvalent fondamental, aux alliages et familles d’emplois innombrables, toujours en développement.

Le béton

Le béton, découvert par les romains, oublié pendant 15 siècles, péniblement redécouvert au 19ème s., a été abondamment utilisé depuis pour tout type de construction. Penser à l’immeuble d’Hennebique, rue Danton à Paris en 1898, au pont Salginatobel de Maillart en 1930 en Suisse, au palais des sports de NERVI à Rome en 1957, à Brasilia de Niemeyer en 1960. De l’histoire du béton, très française, mais confuse et saccadée, retenir :

– 1867 : le brevet de Monier, jardinier, pour le ciment armé,

– 1892 : le brevet d’Hennebique, maçon, pour le béton armé,

– 1923 : les voiles minces de Dischinger, ing. allemand,

– 1929 : le brevet de Freyssinet, ing., pour le béton précontraint,

– décennie 1980 : le BHP (béton haute performance de 2 à 3 cm d’épaisseur),

– autour de 2000 : BUHP (béton ultra HP), BAN (béton auto plaçant), BAP (béton auto nivelant), BCA (béton cellulaire autoclave), Ex : Burj Khalifa, Dubaï 2009.

Avec plus de 500 formulations, le béton est aussi devenu un des rares matériaux de tous les possibles. Tout comme l’acier dont il est devenu complémentaire, même aux États-unis, le béton relève aujourd’hui de la science des matériaux.

Autres matériaux

Le verre

Jusqu’au milieu du 20ème s., le verre assure sa fonction traditionnelle du passage de la lumière naturelle au niveau de baies creusées dans des murs. Vers 1950, avec les gratte-ciel à noyau intérieur porteur, Mies Van der Rohe (ci-après « Mies »), architecte allemand, systématise la façade de verre, appelée à tort « façade rideau » ou « mur rideau », car elle est transparente. Ex.  Lake Shore Drive 1951, haut de 82 m., Chicago, dont les grands fenestrages de verre (verres réfléchissants colorés) s’encastrent dans de minces meneaux verticaux en acier. Mies a construit de la sorte une quinzaine de tours de logements à Chicago et de nombreuses tours de bureaux, là et ailleurs.

Vers 1975, Peter Rice (1935-92), ing. du cabinet anglais d’ingénierie Arup, invente le verre extérieur collé puis le verre dit structurel lequel, constituant à lui seul la façade, n’a plus besoin de menuiserie de support, si mince soit-elle. Ex. : les serres de la Cité des Sciences à la Villette de Paris en 1986. Ont été aussi inventés les verres « actifs », photosensibles, électrochromes, à cristaux liquides, Au total, le verre assure aujourd’hui une triple isolation : solaire, thermique, acoustique, et peut de plus produire de l’énergie.

Les matières plastiques

Les matières plastiques de la chimie de synthèse  ne cessent d’être développées depuis leur apparition vers 1940.

Parmi les réalisations les plus intéressantes figurent les toitures textiles gonflables (fort appréciées au Japon) et surtout les structures dites « légères » (.2.b.) de membranes textiles tendues, enduites de téflon (PTFE). Ex. : le toit du stade olympique de Munich en 1972, d’Otto, ing. & arch. Ces mêmes membranes sont depuis 2000 env. enduites d’ETFE, textile translucide aux caractéristiques étonnantes : légèreté, résistance et isolation meilleures que celles du verre, équivalente à celle du béton précontraint, et de surcroît auto-nettoyé par la pluie. Ex. : la piscine olympique de Pékin, 2008.

Les matériaux intelligents

Les matériaux dits « intelligents » auxquels les nanotechnologies incorporent des propriétés de systèmes biologiques ou informatiques leur permettant de s’adapter à leur environnement sous l’effet d’une impulsion extérieure.

2. L’informatique et la CAO

A la révolution industrielle du 19ème siècle, s’est ajoutée celle de l’informatique depuis les années 1950. Technologie immatérielle qui a complètement transformé le travail des constructeurs, notamment dans le cadre de la conception assistée par ordinateur (CAO) où l’ordinateur assure 3 fonctions majeures de la construction :

  • calculs complexes, dessins en 2 ou 3 dimensions en plan et en élévation,
  • simulation, anticipant le fonctionnement interne des objets,
  • synthèse, structurant et assemblant les données dans un univers virtuel.

Puissance et rapidité entraînent une démultiplication du travail de conception ainsi qu’un assèchement extrême du travail de réalisation. Sans CAO, la tour Eiffel était en 1889 déjà merveilleusement calculée, au centimètre près. Avec la CAO, toute architecture, même très complexe et non standardisée, devient une architecture millimétrée. Ex : le pont haubané de Normandie de Michel Virlogeux, ing., 1995.

3. Le développement durable

Vaste programme formulé durant les années 1980 qui conduit à concevoir une construction pour produire, grâce au soleil, au vent, à la géothermie, toute l’énergie nécessaire à son fonctionnement et même parfois au-delà. Sans préjudice de l’utilisation de matériaux recyclables ou même précédemment recyclés.

– 1997 : Commerzbank, Francfort/Main, de Norman Foster (*1935),

– 2006 : Hearst Tower, New York, de Norman Foster,

– 2008 : World Trade Center, Bahrein, d’Atkins (*1937), arch. canadien,

– 2010 : Pearl River Tower, Guangzhou (Chine), de SOM, cabinet d’ingénierie US.

4. Parasismique et vents extrêmes

Le génie parasismique consiste essentiellement à découpler les superstructures des bâtiments ou ouvrages de leurs fondations (principe dit de l’isolement bas) : constructions sur vérins (Transamerica de W. Pereira 1972, San Francisco), amortisseurs et appuis élastiques (Golden Gate, travaux en cours), renforcement du sol alluvionnaire sous les fondations (pont de Rion-Antirion 2004, Grèce, groupe Vinci), plus rarement renforcement des superstructures en coulant du béton dans les piliers d’acier (Taipei 101 de Lee, 2004, Taiwan, gratte-ciel pesant 700.000 t.). Les techniques actuelles anticipent des secousses telluriques allant jusqu’à 8,5 sur l’échelle de Richter, ce qui a permis aux mégalopoles comme Tokyo et d’autres, situées dans des zones à grand risque sismique, de s’être dotées de gratte-ciel.

Contre les vents extrêmes (rafales, typhons, cyclones), le dispositif majeur est l’amortisseur par masse d’équilibrage (mass damper), inventé en 1926 : masse d’acier ou de béton suspendue au sommet de l’édifice, destinée à se balancer en opposition de phase avec les oscillations dues au vent ; on connaît des masses de 660 t. (Taipei 101) à 1300 t. (Philadelphie). Autre dispositif : la désorganisation du vent par aérodynamisme, ainsi pour le pont Akashi 1998 ou le Burj Khalifa 2009.

2ème partie : le primat de l’ingénierie des structures

Avec l’emploi systématique du métal puis du béton depuis la fin du 19ème siècle, les problèmes techniques de traction ont fait irruption en force dans la conception des structures et assuré la prééminence des ingénieurs. Les limites de conception et de mise en œuvre de ces structures sont sans cesse repoussées par l’informatique.

1. La structure des mégastructures (essentiellement les gratte-ciel)

L’ossature métallique : école de Chicago (1875-1893)

L’idée créatrice de l’ossature métallique (steel frame) revient à William Le Baron Jenney (1832-1907), ing. & arch. à Chicago. Elle s’associe (1) à l’invention de l’ascenseur par Otis en 1854 pour concevoir les structures des immeubles de 10 à 15 étages, soit de 30 à 40 mètres de haut, (2) à la section profilée en I des poutres métalliques. Les façades, encore porteuses au début de l’ossature métallique, reçoivent une élévation tripartite (base, fût, corniche), telle que définie pour plusieurs décennies par Louis Sullivan (1856-1924), arch., collaborateur de Jenney et théoricien de l’école de Chicago. Ex : Guarantee Bg à Chicago (1895).

Les quelques architectes qui ont promu ce Modernisme à Chicago furent vite bloqués par les architectes de New York imposant le style « Beaux-Arts » lors de l’Exposition Colombienne de 1893. La municipalité de Chicago limitant par ailleurs la hauteur des constructions à un maximum de 40 mètres, les gratte-ciel de New York non touchés par ces contraintes s’élèveront à 213 mètres en 1913 (Woolworth Bg de Cass Gilbert) et à 381 mètres en 1931 (Empire State Building de Lamb).

Le Bauhaus allemand et le Style International (1919-1970)

Le mot Bauhaus est aujourd’hui en France synonyme d’architecture et de design Modernes. À juste titre pour le design, à tort pour l’architecture, car celle-ci ne fut enseignée par l’école du Bauhaus (créée en 1919 par W. Gropius) de Weimar puis de Dessau (Allemagne) qu’en 1927 et surtout à partir de 1930 lorsque MIES en prend la Direction. Même pour le design, l’école du Bauhaus ne participe qu’en 1922-23 seulement à l’immense mouvement allemand d’explosion artistique d’avant-garde, d’anticonformisme et de recherche de nouveauté. Jusqu’à 1927-30, le Bauhaus se tient donc à l’écart de la nouvelle conception constructive portée dans ce contexte par les architectes allemands qui, réunis dans le Deutscher Werkbund (crée en 1907), la Gläserne Kette (1919), le Ring (1925), ont activement œuvré pour le « Neues Bauen » (construction moderne).

Deux architectes, autodidactes tous les deux, adeptes du « Neues Bauen » ont profondément marqué ce renouveau architectural allemand : (1) Peter Behrens (1868-1940), pionnier chez AEG du design et de l’architecture moderne industrielle, qui a ouvert dès 1907 un atelier à Berlin où ont travaillé, parmi d’autres, Gropius, Mies, Le Corbusier, (2) Mies (1883-1969), cofondateur du Ring puis Président du Werkbund qui, émigrant aux Etats-unis à la veille de la 2ème guerre mondiale, y fera peu après du « Neues Bauen » un style international.

Le Style International, ainsi appelé lors de l’exposition éponyme conçue par Philipp Johnson en 1932 à New York au MOMA, trouverait ses origines en 1922 dans le succès rencontré par un projet d’Eliel Saarinen, 2ème prix du concours du Chicago Tribune, projet conçu dans l’esprit du Neues Bauen naissant : géométrie, élancement, toit plat, peu d’ornement (le 1er prix était néo-gothique). À l’intérieur : ossature métallique, noyau porteur, espace libre fonctionnel.

A la même époque déjà, Mies allait plus loin que Saarinen. En 1919 et 1922, en effet, il soumettait à Berlin 2 projets (20 et 30 étages) dont (1) les façades audacieuses étaient en verre de la base au sommet, sans division tripartite, (2) l’intérieur était un espace libre universel, c’est-à-dire rationnel et non seulement fonctionnel, conception à laquelle Mies se tiendra toute son existence,

En 1938, Mies émigre à 52 ans aux États-unis, où il enseigne et construit à Chicago. Les années 1950 et 1960 marqueront l’apogée du Style International (ou style miesien) alors porté par lui à la perfection : parallélépipèdes quasi abstraits, prismes à façades en verre continu, pas d’ornement. Architecture structurelle minimaliste, « de peau et d’os » selon la propre expression de Mies.

Les structures tubulaires (ou à exosquelettes) (1965 sq.)

Les structures à ossatures (métal ou béton) et noyau central porteur décrites ci-dessus ont été utilisées de 1875/85 à 1960/70 pour des hauteurs de plus en plus grandes. Elles se sont alors heurtées à une limite technique : plus les tours s’élèvent, plus les forces latérales (vent) augmentent, et augmentent au-delà du proportionnel, D’où des volumes et coûts accrus de matériaux, en particulier pour le noyau central, et une diminution des surfaces utiles, donc de la rentabilité. La hauteur raisonnable d’une structure à ossatures tourne autour de 200/230 mètres pour une tour de bureaux et de 100/130 mètres pour une tour d’habitation.

Afin de vaincre cette obstacle, à part quelques solutions expérimentales ou exceptionnelles, une solution structurelle décisive a été mise au point par le plus grand cabinet américain d’ingénierie SOM (Skidmore, Owings & Merill) en 1965, dont le mérite revient en particulier à son ingénieur Fazlur Khan (1929-82). La solution, simple mais révolutionnaire, consiste à transférer la structure porteuse du noyau central à la périphérie de l’édifice. La structure prend alors la forme d’un caisson creux, structurellement vide, rigidifié par l’ossature périphérique désormais porteuse (framed tube), laquelle est constituée d’un réseau de piliers et de poutres treillis triangulaires, formant un contreventement continu.

Il existe plusieurs variantes de ces structures nouvelles :

  • piliers rapprochés : – Twins 1972, (détruites), Yamasaki arch., New York,

– Aon Center 1973, Durell Stone arch., Chicago,

  • piliers espacés (trussed and cross-bracing tube), l’espacement des piliers étant occupé par des poutres horizontales et diagonales (variante la plus employée des trois citées) :

– Hancock Center 1969, SOM, Chicago,

  • faisceau de caissons (bundled tube) :

– Bank of China Tower (4 caissons) 1989, PEI (*1917), Hong-Kong,

– Willis Tower (ex- Sears Tower) (9 caissons) 1974, SOM, Chicago.

Très fiable, ce système tubulaire, issu du cerveau humain et non de l’ordinateur, a permis, et de construire de très grandes hauteurs comme le Burj Khalifa 2009, SOM, Dubaï, de 739 mètres et de n’avoir été relayé depuis 1965 par aucun autre système nouveau. Le tube contreventé sur 4 façades peut en outre très bien se combiner dans le même édifice avec le noyau porteur traditionnel.

Une nouvelle frontière structurelle : le rapport d’élancement des tours

Deux innovations structurelles fondamentales et décisives ont donc permis de construire des tours : l’ossature métallique de Jenney (décennie 1880) puis l’exosquelette tubulaire de Fazlur Khan (1965).

Le rapport d’élancement d’une tour est une nouvelle frontière rencontrée par l’ingénierie de la décennie 1980 avec le projet de la Tour Sans Fins de Jean Nouvel (*1945) à La Défense, à Paris. Il s’agit du rapport entre la base (43 mètres) et la hauteur (425 mètres) d’une tour, soit ici un rapport de 1 à 10, sachant que le rapport de toutes les tours existantes tournait et tourne encore aujourd’hui autour de 1 à 5 ou 6. Projet lourd d’un défi technique novateur auquel Arup, cabinet anglais d’ingénierie, a travaillé quelques années, mais qui dut être abandonné vers 1995 pour cause de crise immobilière. Sans relève encore. Projet majeur permettant de réduire considérablement la charge foncière.

2. Les structures légères

Les matériaux contemporains ont permis aux ingénieurs d’innover dans leur recherche constante d’allègement des structures :

  1. Le dôme géodésique, ou dôme sphérique, autoporteur, couramment appelé géode, utilisé lors de la guerre froide dans le grand nord américain, fut breveté en 1954 par R. Buckminster Fuller (1895-1983), ing., qui eut pour cela l’idée de trianguler la sphère. Ex : le pavillon américain de l’expo de Montréal, 1967.
  1. Les voiles minces et les coques minces (inventés par Dischinger, ingénieur allemand, 1923), autoporteurs aussi, utilisés pour des toits (ancrés au sol) au cours de la seconde moitié du 20èmes. ont été d’abord en béton (le béton se coule à volonté) :

– 1963 : Terminal TWA, Eero Saarinen (1910-61) arch, JFK Airport,

– 1964 : Stades JO Tokyo, Kenzo Tange (1913-2005) ing. & arch.,

– 2002 : Oceanografic, Felix Candela (1910-97) ing & arch., Valencia.

Ensuite en réseaux d’acier pour des toits en forme de tente, le réseau d’acier portant des membranes en textiles synthétiques (acrylique ou polyester). Ex. : le toit du Stade Olympique de Munich 1972, d’Otto (*1925). Depuis 1970/80, les membranes sont en fibre de verre, enduite de PTFE (téflon) :

– 1972 : Terminal Haj de SOM, Djedda,

– 1995 : Airport de Fentress arch., Denver,

– 1992 : Georgia Dome de Heery arch., Atlanta,

– 1999 : Millenium de Rogers (*1933) arch., Londres

Depuis 2000 env. la fibre de verre est enduite d’ETFE, polymère dont les qualités surprenantes (.1.c.) permettent notamment de tenir lieu de mur. Ex. : le stade de l’Allianz Arena de Munich 2005, d’Herzog et de Meuron, arch., et la piscine olympique de Pékin 2008, du cabinet d’ingénierie Arup. Ce mur synthétique permet de réduire les réseaux de câbles d’acier.

3ème partie : le primat des formes (les structures au service des formes)

S’il est vrai que pour Sullivan et les architectes de l’École de Chicago, la fonction créait la forme, divers architectes ont tendance à privilégier délibérément, parfois à l’excès, la forme sur la structure, se reposant sur les ingénieurs pour résoudre leurs problèmes de structure. Fonction, forme, structure tendent par là à se désolidariser.

1. Les formes artistiques

Le style Beaux-Arts aux États-unis (1870-1920) :

style académique, tourné surtout vers le passé, dont les architectes américains, faute de réelle tradition chez eux, s’inspiraient en venant l’étudier en Europe. Une douzaine d’universités américaines entretenaient aussi un enseignement de ce style que l’Exposition Colombienne de Chicago de 1893 consacrera aux États-unis jusqu’à la seconde guerre mondiale environ, aux dépens du Modernisme :

– 1921 : Wrigley Building du cabinet Graham & Anderson, Chicago,

– 1923 : London Guarantee de Alfred S. Alschuler, Chicago,

– 1925 : Tribune Tower du cabinet Hood & Howells, Chicago,

– 1926 : Jewelers Bg de Thielbar & Fugard, Chicago,

L’Art Déco aux États-unis (1925-39)

Le concept américain d’architecture Art Déco, appliqué aux façades des gratte-ciel, est spécifique : formes géométriques, linéaires, épurées, élancées, élévation à décrochements (contraintes réglementaires)… :

– 1930 : Board of Trade de John A. Holabird & John W. Root, Chicago,

– 1930 : Chrysler Building de W. Van Alen (1883-1954), New York,

– 1932 : Rockefeller Center de R. Hood (1881-1931) et divers, New York.

L’Expressionnisme architectural en Europe (1912-25)

Mouvement né à Amsterdam qui, à la faveur de l’explosion artistique allemande de 1919 évoquée plus haut (.1.b.), rencontre alors en Allemagne un réel engouement.  Architecture d’artiste, subjective, personnelle, originale :

– 1921 : Tour Einstein de Erich Mendelsohn (1887-1953), Berlin/Potsdam,

– 1924 : Maison du Chili de J.F. Höger (1877-1949), Hambourg,

– 1963 : Philharmonie de H. Scharoun (1893-1972), Berlin.

Le Postmodernisme, phénomène mondial (1975-90)

Le postmodernisme est l’une des tendances architecturales en rupture avec le Modernisme miesien (ou Style International) ; son nom lui a été donné par un critique d’art américain, Charles Jencks en 1977. Le postmodernisme ne dit rien des questions de structures ; il ne traite que des façades, y pratiquant des citations architecturales d’époques passées, réintroduisant par là une certaine animation et un décor délaissés par les Modernes (miesiens), … :

– 1978 : ATT Bg de Johnson & Burgee, initiateurs du PostM, New York,

– 1980 : Esplanade de l’Europe de Bofill (*1939), Montpellier,

– 1983 : Bank of America Center de Johnson & Burgee, Houston,

– 1984 : 1 PPG Place, de Johnson & Burgee, Pittsburgh,

– 1987 : Heritage Plaza de Nasr, Houston,

– 1998 : Jim Mao Tower de SOM, Shanghai.

2. Les formes ludiques

L’architecture High-Tech (1975-90)

Autre tendance en rupture avec le Modernisme miesien ; elle s’attache à extérioriser les éléments techniques et structurels d’un édifice : circulations, fluides, espaces de service, escaliers, ascenseurs,… Aucune nouveauté structurelle non plus sauf, à l’instigation de Peter RICE (.1.c.) les créations déjà évoquées du verre extérieur collé et du verre suspendu :

– 1979-85 : HSBC Building de Foster (*1935) arch., Hong Kong.

– 1978-86 : Lloyd’s Building de Rogers (*1933) arch., Londres,

Architecture sculpture figurative (architecture récurrente)

L’architecture s’aventure au début du 20ème siècle sur le territoire de la sculpture avec l’expressionnisme néerlandais et surtout allemand (voir .1.c.) puis en 1955 avec la Chapelle de Le Corbusier à Ronchamp. Ronchamp est une des œuvres les plus notables de Le Corbusier, contrairement à sa production pour l’urbanisme ou l’habitat (villa Savoye, par ex.), où il reprenait sans véritable apport personnel, sauf la circulation par rampe, les idées du « Neues Bauen » allemand. Exemples d’architecture sculpture figurative :

– 1964 : Cathédrale Ste Marie de Tange (1913-2005) arch. & ing., Tokyo,

– 1973 : Opéra de Jorn Utzon (1918-2008) arch., Sydney,

– 1986 : Temple du Lotus de Fariborz Sabah (*1948) arch., Delhi,

– 2002 : Auditorium du Parc de la Musique de Piano (*1937) arch., Rome,

– 1994 : Gare TGV de Calatrava (*1951) ing. & arch., Satolas, France,

– 1998 : Gare de l’Est de Calatrava, Lisbonne,

– 2001 : Art Museum de Calatrava, Milwaukee/EU,

– 2003 : Auditorium de Calatrava, Tenerife,

– 1998-2009 : Cité des Arts et des Sciences, Calatrava, Valencia. 

Architecture sculpture abstraite : le Déconstructivisme (1988 sq.)

1988 : Ph. Johnson (1906-2005), critique d’architecture, pendant 14 ans directeur du MOMA de New York, architecte quelque peu opportuniste, monte une exposition au MOMA sous l’appellation « Déconstructivisme «. Tous les architectes qui y sont présentés ont un point commun : le refus de la géométrie euclidienne au profit de l’éclatement des formes. L’ordinateur tend à devenir, à l’excès, le grand maître d’œuvre des édifices dits « déconstructivistes » :

– 1997 : Musée Guggenheim de Gehry (*1929), Bilbao,

– 2000 : Médiathèque de Ito Toyo (*1941), Sendai/Japon,

– 2001 : Imperial War Museum de Libeskind (*1946), Manchester,

– 2002 : Norddeutsche LB de Behnisch (1922-2010), Hanovre.

– 2003 : Concert Hall Disney de Gehry, Los Angeles,

– 2004 : Bibliothèque de Koolhaas (*1944), Seattle/EU,

– 2004 : Concert hall de Foster, Gateshead/RU,

– 2005 : Musée scientifique Phaeno de Hadid (*1950), Wolfsburg/All.

– 2006 : Hôtel Riscal de Gehry, Elciego/Espagne,

– 2008 : Tour CCTV de Koolhaas, Pékin,

Blobarchitecture

« Blob », mot anglais signifiant goutte, tâche. L’architecte demande ici à l’ordinateur de faire comme s’il étendait une goutte : il obtient une forme molle, bombée. De fait :

– 2003 : Magasins Selfridges de Future Systems, Birmingham,

– 2003 : Musée d’Art Moderne de Coop Himme(l)blau, Graz/Autriche.

Architecture de la forme pour la forme. Au-delà de l’art et de l’esthétique.

Conclusion : quelques monuments contemporains marquants

(par ordre chronologique d’achèvement)

1885 : Home Insurance de W. le Baron Jenney, Chicago/EU – pionnier de l’ossature métallique.

1889 : Tour Eiffel de Gustave Eiffel et Paris – forme déterminée par le vent, – triomphe du calcul et de l’organisation du chantier.

1936 : Falling Water de F.L.Wright (1867-1959), Illinois/EU – espace intérieur libre – intégré à la nature (from within outward)

1954 : Crown Hall, Chicago } de Ludwig Mies van der Rohe :

1958 : Seagram Building, New York } – apogée du Style International,

1968 : Neue Nat. Galerie, Berlin } – structure minimaliste.

1965 : Willis Tower (ex-Sears Tower) de Fazlur Khan (SOM), Chicago – structures tubulaires périphériques

1986 : Fountain Place, de I.M. Pei, Dallas – géométrie épurée

1987 : Institut du Monde Arabe de Jean Nouvel, Paris – contextualisme

1989 : Musée Juif de Daniel Libeskind, Berlin – allégorie architecturale parfaite

1996 : DZ Bank de Frank Gehry, Berlin – conversion étonnante d’un déconstructiviste

1999 : Hemispheric de Santiago Calatrava, Valencia – architecture/sculpture (biomorphique)

1999 : Le Reichstag de Norman Foster, Berlin – écologie architecturale exemplaire

2000 : New York Times building, New York } de Renzo Piano

1998 : Centre Culturel de Tjibaou, Nlle Caled. } – transparence et contextualisme

2008 : Le Stade Olympique de Herzog et de Meuron, Pékin – entrecroisement de poutres d’acier inclinées

1998 : Pont d’Akashi, Japon } – exploits de génie civil pont suspendu } – pilotage au millimètre

2004 : Viaduc de Millau de N. Foster } – formes déterminées par les forces pont multihaubané } – interaction de la technique et de l’architecture

2011 – Subway station « Ground Zero » de Calatrava : Envol d’oiseau, porteur (projet) d’optimisme !

Essai – Architectes et ingénieurs

L’art de construire n’appartient ni à l’architecte ni à l’ingénieur. Jusqu’au 18ème siècle, les deux métiers d’architecte et d’ingénieur sont confondus, allant d’Imhotep (autour de 2750 avant JC), architecte égyptien de pyramides, physicien et mathématicien, à Balthasar Neumann (1687-1753), architecte allemand du baroque, mathématicien et ingénieur, en passant par les constructeurs romains. Il en est de même encore depuis le 19ème siècle lorsque la même personne possède exceptionnellement les deux formations, comme par exemple Le Baron Jenney, Nervi, Candela, Tange, Calatrava, Fazlur Kahn, ou lorsque la forte personnalité d’un architecte lui permet d’assurer une symbiose vertueuse des deux métiers, comme, par exemple, Mies, Pei, Foster, Piano. Il y a heureusement des architectes qui ont le sens des structures.

Le rôle d’une structure est d’organiser la matière pour acheminer de façon la plus simple, la plus efficace, la plus harmonieuse, le transfert des charges aux fondations. De ce fait, la structure d’une construction a toujours eu une influence décisive sur l’architecture. Or, c’est précisément dans le développement de la structure constructive que l’architecture a subi depuis le 19ème siècle diverses révolutions et que les idées en ce domaine sont sorties des esprits des constructeurs et ingénieurs d’études : ossature métallique, section profilée en I des poutres métalliques, charpentes en treillis triangulaires, béton armé, matériaux renforcés par des fibres, structures tendues, structures légères, béton précontraint, structures tubulaires, Ce qui explique et justifie l’ascendant progressif des ingénieurs sur les architectes. Les ingénieurs ont été les forces vives et innovatrices de l’architecture contemporaine.

En dernier ressort cependant, l’architecte est le plus souvent encore le chef de l’équipe de construction et à lui seul reviennent la responsabilité et la gloire des projets. Aurait-il pour autant à ce titre une prééminence sur l’ingénieur dans le domaine esthétique ? Pas vraiment ! Si les monuments sont plus souvent des réalisations d’ingénieurs que d’architectes, il faut en outre, pour prétendre à l’échelon suprême, maîtriser la manière de bien poser les problèmes pour trouver les bonnes solutions, celles qui visent à créer les formes à partir des charges. Or, la perfection structurale conduit inévitablement à la beauté ; la beauté doit avoir un caractère d’évidence. Et il y a heureusement des ingénieurs qui ont un sens de l’esthétique.

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