Le 13 juin dernier, EADS annonce un deuxième retard de 6 mois pour son programme phare : l’Airbus A380. Dès le lendemain, le cours de Bourse plonge à Paris (-34% pendant quelques heures, -26% à la cloture). Les actionnaires ont vu s’envoler 5 milliards d’euros de capitalisation financière. C’est un argent assez virtuel sauf pour ceux qui voudraient maintenant vendre leurs actions et ne retrouveront pas forcément leur mise de départ.
Le premier scandale a été dénoncé par la presse dès le 14 juin, alors que l’on se rendait compte que certains dirigeants de la société et (peut-être) leurs proches ont vendus des actions avant l’annonce de la mauvaise nouvelle. Par exemple, il s’agissait d’exercer des stock-options, puis vendre les actions ainsi obtenues en profitant des cours relativement élevés en Bourse (entre 32-34€ en mars et 26-30€ en mai). La réaction des observateurs, de certains actionnaires minoritaires et des journalistes a été de dénoncer ceux que l’on a immédiatement désignés comme des profiteurs ou des initiés. En attendant que cette situation soit clarifiée, il me paraît qu’il s’agit d’une pratique douteuse sinon condamnable. L’AMF doit enquêter.
Mais il y a bien plus grave que les millions d’euros qui apparaissent en jeu. Les grands actionnaires d’EADS, DaimlerChrysler et Lagardère SCA, ont eux aussi cédé des actions début avril. Mais là, on parle de milliards d’euros. La cession de 7,5% d’EADS à 32,60€ pour les deux groupes représentent 1,5 milliards d’euros. Qui pourra croire que les patrons de DaimlerChrysler et Lagardère SCA pouvaient ignorer la situation du projet en dérapage. Formellement, ils n’ont sans doute dû être informés que lors de ces derniers jours. Mais n’importe quel analyste financier, n’importe quel acteur industriel reconnaît que même si les données n’ont peut-être pas été publiées clairement, les dirigeants devaient bien avoir les signaux nécessaires pour déterminer que les choses n’allaient pas bien et disposer des éléments pour évaluer les conséquences financières sur le groupe EADS.
A partir de là, la vente de blocs d’actions à un cours considéré comme élevé en s’appuyant sur des informations qui ne sont pas disponibles pour le public le plus large constituerait bien un délit d’initié condamnable. Et l’un des plus gros jamais rencontré sur les marchés financiers français.
La seule défense possible pour Arnaud Lagardère (gérant de Lagardère SCA) et les dirigeants de DaimlerChrysler consiste à invoquer leur droit à une certaine incompétence (justement ce que fait le patron français). Mais il s’agirait tout simplement d’un aveu d’incapacité à diriger une entreprise et, qui plus est, de l’aveu que cette incompétence est partagée dans deux des fleurons de l’industrie européenne. La modestie d’Arnaud Lagardère donnerait presque envie de rire.
L’AMF se doit d’enquêter et d’enquêter rapidement. Et que l’on ne nous donne pas que des lampistes. Il pourraient bien n’avoir fait que suivre l’exemple (et en respectant la réglementation qui leur impose des limites sur la manière d’intervenir).
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